Les Furtifs est un roman d’anticipation d’Alain Damasio, paru aux éditions La Volta en 2019.
Alain Damasio, est un des rares grand maîtres français de la Science Fiction. J’ai découvert cet auteur par hasard, lors d’un débat au festival Étonnants Voyageurs. (Un festival de littérature génial, qui se déroule à Saint Malo pendant le weekend de Pentecôte. Pour tout savoir dessus, vous pouvez consulter mon post Étonnants Voyageurs, tout savoir sur le festival)
Je lis peu de SF, mais son discours humaniste, érudit et en même temps très artiste a interpellé mon attention et m’a donné envie de découvrir son oeuvre. J’ai commencé avec Les Furtifs, son plus récent ouvrage paru.
Résumé :
Nous sommes en 2041. Lorca Varese est un sociologue pour communes autogérées. Sa femme Sahar, enseigne. Elle est proferrante de rue pour les enfants abandonnés par l’éducation nationale. Leur couple est brisé depuis la disparition de leur fille de quatre ans Tishka. Sahar est enfermée dans sa peine, tandis que Lorca est persuadé que leur fille est partie avec les furtifs.
Les furtifs ? Des êtres à la vitalité hors norme, invisibles à l’œil nu. Il sont faits de chair et de son. Pour alimenter leurs incessantes métamorphoses, ils métabolisent pierres, déchets, animaux, végétaux, ou n’importe quelle matière. Peu d’humains sont capable de percevoir leur présence. Ils échappent à tout contrôle. Alors, pour ne pas alerter les esprits,les dirigeants politiques dissimulent leur existence au grand public.
Lorca parvient à intégrer une unité clandestine de l’armée chargée de les chasser, et espère retrouver sa fille grâce à cette équipe.
Mon avis :
Nourri à Michel Foucault et Gilles Deleuze, Alain Damasio nous plonge dans un futur proche où les villes appartiennent à des multinationales.
Elles en gèrent l’accès en monnayant l’accès en zones « Standard », « Premium», « Privilège », selon les forfaits citoyens. Le techno-cocon prend soin des habitants: Google précède leurs désirs-requêtes. Netflix ou Amazon savent d’avance quoi leur proposer pour rêver. Plus besoin de se soucier de quoi que ce soit, encore moins de se fatiguer à réfléchir par soi-même.
Alain Damasio questionne nos capacités d’auto-aliénation, et pointe le doigt sur la transformation de notre vie privée et de nos données personnelles en objet monétaire. Le monde qu’il a créé dans Les Furtifs montre l’avenir possible si personne ne dit stop, pousse le lecteur de 2020 à la prise de conscience, tant qu’il est encore temps de résister.
Réflexion hyper créative sur les dérives de l’ultralibéralisme high tech, ce roman d’anticipation est dense par son message, sa construction, son style.
Par conséquent, mieux vaut le lire dans le calme et la concentration si on veut éviter de revenir sur les pages précédentes pour comprendre l’intrigue ! Pas parce qu’elle est mal construite. Mais parce que tellement de messages sociologiques et d’inventions fascinantes la dopent qu’on en oublie la trame…L’univers des Furtifs est fertile, riche, foisonnant de trouvailles qui mélangent l’imagination et la science. L’écriture est presque expérimentale avec des phrasés parfois proche du slam, l’utilisation de glyphes pour signaler chaque personnage, les mots valises parsemés tout le long du récit.
Cette dystopie nous incite à réfléchir sérieusement à notre rapport aux nouvelles technologies et à la permission d’accès à nos données personnelles. J’apprécie chez Alain Damasio son discours positif, qui cherche des solutions, propose un avenir alternatif. Enfin un alerteur positif. Il ne se contente pas d’un message « Tous pourris, tout est foutu » sans issue dont on sort démoralisés une fois le livre refermé. Il incite avant tout les lecteurs à résister à l’engourdissement des esprits, autant qu’à renouer avec leurs capacités de résilience et leur pouvoir personnel.
De la Science-Fiction qui donne envie d’activer ses neurones. A dévorer d’urgence.
Pour en savoir plus sur l’auteur:
https://lavolte.net/auteurs/alain-damasio/
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