IA et créativité humaine : quel futur pour les personnes créatives ?

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Aujourd’hui, fin 2024, IA et créativité se confondent presque. 

La question n’est plus « Faut-il utiliser l’IA pour créer », tant les ChatGPT, Midjourney et autre Dall-E ont intégré la boite à outils des professions créatives. 

Une majorité d’industries l’a déjà adoptée en masse, comme les agences publicitaires, les studios de design, la production cinématographique, les jeux vidéo, etc. Bref, l’intelligence artificielle fait désormais partie de notre vie, que ça nous plaise ou non. Et il faut reconnaître que, malgré ses limites, elle répond aux exigences des entreprises. Performances imbattables, coûts minimaux, instantanéité de production, qualité très correcte : l’engouement est logique.

Mais l’écrivaillonne-dessinatrice-couturière-bidouilleuse que je suis ne peux s’empêcher d’être perplexe face à l’impact de l’IA sur notre créativité personnelle.

Quel futur attend les personnes créatives ?

Comment l’IA va-t-elle transformer la créativité humaine dans les décennies à venir ?

J’ai la sensation que l’arrivée de l’IA opère une profonde mutation sur la créativité humaine.

D’une part à cause du risque de standardisation des créations, dû au fonctionnement en circuit fermé de l’IA

Celle-ci ne fait que combiner des données déjà existantes. Certes, plus sa base est fournie, plus les réponses sont complètes. Mais si deux personnes, ou dix, pour utilisent les mêmes mots formuler leur prompt, il y a fort à parier que les réponses seront similaires. Inévitable, puisqu’elles sont puisées à la même source.

D’ailleurs, gardons à l’esprit que l’IA est générative, et pas créative. Elle ne sait que reformuler ce qui existe déjà. Diversité, innovation, imagination, singularité ne sont pour elle que des données algorythmiques dénuées de sens.  

Un raccourci facile déclare que la créativité repose sur la personne derrière l’écran. Le meilleur créatif serait donc celui qui maîtrise le plus finement l’art du prompt… Permettez-moi d’être dubitative, car dans ce cas la créativité se réduit à la capacité de formuler des directives concises. Or là, on se rapproche plutôt de l’intelligence analytique. Il me semble pourtant que la créativité est faite de pensées analogiques.

D’autre part, quid du désir de créer ?

En trois secondes, une AI produira une œuvre qu’un humain mettra des heures, voire des jours ou même des mois à faire émerger. Comment, dès lors, ne pas se sentir disqualifié et obsolète ? Difficile d’échapper au découragement et à la démotivation.

L’acte créatif demande un long et laborieux apprentissage. Il faut faire ses gammes. Sentir saigner le bout de ses doigts avant que la corne n’apparaisse à force de frotter les cordes de guitare. Écrire, effacer, réécrire, recommencer. Pratiquer, pratiquer, encore et encore, avant d’atteindre une relative excellence ou, à minima, acquérir de l’aisance.

Mais face à la redoutable efficacité technologique, aura-t-on encore envie de se donner autant de peine ? À quoi bon cogiter deux heures devant son clavier pour écrire une nouvelle que ChatGPT produira en deux minutes ? Et même, à quoi bon apprendre à rédiger, ou à dessiner, ou à jouer de la musique, puisque la machine saura le faire mille fois mieux et plus vite que moi ?

Pourtant le processus créatif en lui-même est source de plaisir.

Pour maîtriser une discipline, il faut apprendre. Et pour apprendre, il faut pratiquer, tester, échouer, recommencer. En faisant, en expérimentant, on plonge dans un état de conscience modifié, on est absorbé dans notre quête, on se retrouve dans le Flow (ou la Zone, appelez ça comme vous voulez). On opère un voyage quelque part dans notre imaginaire, notre intériorité, notre psyché, on se connecte à l’universel. Après, et pendant l’acte créatif, on se sent profondément heureux, serein, confiant en nos ressources. Il y a là une sorte de magie incroyablement puissante, dont la force est d’être accessible à tous ceux qui la cherchent.

Hélas les IA nous déconnectent de ce pouvoir personnel.

Nous nous laissons convaincre qu’elles facilitent la création en s’occupant de la partie « réalisation » pour nous laisser la partie « formulation du concept». Alors que c’est dans les deux que « ça » se passe. Penser une chose ET lui donner corps, c’est de la créativité. Penser à une structure de roman ET le rédiger intégralement. Visualiser un tableau ET tremper ses pinceaux dans l’acrylique pour le peindre. Bref, conceptualiser ET donner forme.

Inventer peut se faire en commençant par la théorie, mais ce n’est pas l’unique méthode. On peut aussi commencer par la « matière », par l’approche intuitive. Par exemple, écrire en vrac ce qui nous vient, puis analyser ensuite ce qui en ressort. Ou tracer des formes aléatoires sur une feuille, et regarder les formes qu’elles nous évoquent. D’abord poser dans la matière, puis laisser émerger l’imaginaire, et enfin structurer le tout. L’inverse de la méthode IA.

Pourtant dans les faits on prend l’habitude de lui déléguer l’exécution. Au risque de perdre notre faculté de façonneur.

La valeur perçue de l’art et des artistes face à l’IA

Si la complexité du processus artistique se simplifie au point de se résumer à de l’intégration de données digitales, il y a fort à parier que la valeur de l’art sera bientôt proche de zéro.

L’art est-il un produit de consommation ? Dans la société actuelle, très certainement. Mais il est encore objet de désir en 2024.

La capacité de production illimitée des IA facilite la production en masse. Donc la banalisation. Alors quand tout le monde pourra générer un tableau parfaitement exécuté et plein de couleurs somptueuses en quelques clics, qui s’extasiera devant un illustrateur humain ? Quel ado rêvera de devenir le prochain Picasso ?

Quel est le futur de la créativité à l’ère de l’IA ?

Les Intelligences artificielles sont-elles les super-assistantes des humains ou une menace pour leur créativité ?

Dans une réalité idéale, chaque personne saurait utiliser les technologies avec pertinence et raison. Les addictions au virtuel n’existeraient pas. Tout le monde serait capable d’éteindre son smartphone plus d’une heure et les digital detox seraient inutiles.

Dans le vrai monde, celui que je connais, les gens sont accro aux réseaux sociaux. Chez eux, au bureau ou en déplacement, les appareils connectés et les applications font tout. Si une panne géante d’électricité se produisait et coupait internet, notre civilisation cesserait de fonctionner, tellement elle est en devenue dépendante.

L’IA fait partie de l’équation

Il faut faire avec. Inutile de se voiler la face. 

Mais cela ne signifie pas se résigner. À travers cet article, j’aimerais contribuent à porter l’attention sur la nécessité d’apprivoiser son environnement pour le mettre à notre service plutôt que l’inverse.

Je voudrais souligner l’importance de la pratique dite « traditionnelle », de l’expérimentation du processus créatif, qui est la meilleure façon d’intégrer une discipline, de progresser et de s’ouvrir à l’inattendu fécond.  N’oublions pas que c’est le voyage permis par ce processus qui est source d’accomplissement pour l’artiste. Il est aussi important, parfois plus, que l’oeuvre.  

Même si un logiciel peut produire la même chose que vous en deux secondes et mille fois plus parfait, pratiquer votre art en vaut la peine car ainsi vous façonnez votre cerveau, vous nourrissez votre esprit. Et surtout, vous développez votre autonomie de créer et de penser. Peut-être ne gagnerez-vous pas d’argent avec votre créativité. Mais sa valeur est ailleurs. Et elle est indéniable. Elle est dans la force, dans le sentiment d’accomplissement que vous en retirez.

Les créatifs de demain

La créativité est la faculté de créer des idées et concepts nouveaux. Les créatifs de demain intégreront l’IA dans leur trousse à outil, et s’en serviront au gré de leurs inspirations. D’ailleurs c’est déjà ce qui se passe. Mais ont-ils un futur dans le monde du travail ?

D’inventeur de mondes, l’artiste de 2035 deviendra-t-il un simple prompteur d’idées ?

C’est possible pour ce qui concerne les industries créatives qui visent la rentabilité (les secteurs du cinéma, ou des jeux vidéo par exemple). Par contre je crois que l’originalité, l’émotion, la profondeur singuière qui transparaissent d’une œuvre 100 % humaine gagneront en valeur car elles se feront plus rares. Les « artisans » qui resteront, ceux qui se seront donné la peine d’apprendre les techniques, de pratiquer, de patouiller sans dépendre d’une machine deviendrons des stars. Ou des marginaux.

Ils seront peu nombreux. Et la société sera appauvrie de sa propre fantaisie.

Les illustrateurs, photographes ou d’auteurs professionnels n’existeront probablement plus demain. Tout simplement parce que leurs prestations seront devenues obsolètes comparées aux intelligences génératives. Cependant la créativité n’a pas pour seul but d’être marchandisée. Sa pratique fait du bien car elle nous met en contact avec notre énergie vitale. 

Alors peut-être que demain l’IA créera rentable. Mais les esprits artistes continuerons à créer viscéral, à s’adresser à l’Âme plus qu’au porte-monnaie. Ma crainte, dans le monde de demain, est de voir leur place reléguée à la seule sphère du dév’perso. 

Et vous, qu’en pensez-vous? Je suis curieuse de découvrir votre avis en commentaires.

 

Merci de m’avoir lue et à bientôt sur Walkaway.


Vous avez aimé le post IA et Créativité? 

Pour creuser le sujet, cet article du journal Le Monde est particulièrement intéressant. 

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Slow living- Pourquoi je l’ai adopté

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Crédit photo: Pixabay

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