Visiter le Musée Horta à Bruxelles, c’est entrer dans le nid du pionnier de l’Art Nouveau en Belgique. J’ai eu l’occasion de le découvrir cet automne, lors d’un week-end dans la superbe capitale de l’Europe.
Une belle surprise, qui m’a redonné le goût des arabesques raffinées et des ornementations tout en délicatesse propre à ce mouvement artistique des années 1900. Alors bien sûr j’ai envie de vous la faire connaître.
Vous êtes fan d’arts décoratifs et d’architecture? Entrons dans le somptueux domaine du Baron Horta.
Avant de visiter le Musée Horta: Qui était Victor Horta
L’architecte Victor Horta, né en 1861 à Gand en Belgique et mort à Bruxelles en 1947, est considéré comme l’un des pionniers du style Art Nouveau avec deux autres acolytes : Henry van de Velde et Paul Hankar.
Brillant créateur, il a révolutionné l’urbanisme de son époque en brisant les frontières entre architecture et art industriel. Fortement inspiré par le travail du français Viollet-Leduc, découvert pendant son séjour à Paris, ses idées ont profondément changé l’intérieur des habitations bourgeoises. Les pièces étroites, cloisonnées et sombres ont laissé place aux plans ouverts, à la lumière, aux lignes courbes intégrées dans la structure même des bâtiments.
Son talent s’étendait de l’architecture à la décoration intérieure. En « artiste total », lorsqu’il concevait un hôtel particulier, il s’occupait non seulement de la structure, mais aussi du mobilier et des décors. Poignées de portes, rebords d’étagères, rampes d’escalier, ferronneries, huisseries, rideaux, papiers peints, son génie créatif englobait tout.
La percée de Victor Horta
Après des débuts difficiles fin 1880, les commandes d’hôtels particuliers se sont multipliées.
L’Hôtel Tassel , premier bâtiment Art Nouveau, est construit à Bruxelles en 1893.
La Maison Autrique arrive dans la foulée
L’Hôtel Solvay , inscrit au Patrimoine de l’Unesco, est livré en 1898.
Et bien d’autres ont suivi, ainsi que des grands magasins.
L’exil
De 1898 à 1911, Victor Horta se consacre à l’enseignement. Mais la guerre vient interrompre ses activités. Obligé de rester aux États Unis alors qu’il s’y trouvait en déplacement, il se retrouve dans la nécessité de gagner sa vie. Il donne alors des conférences aux quatre coins du pays.
Après quatre ans d’exil forcé, il réussi a rentrer en Belgique en 1919.
Retour en Belgique
De retour à Bruxelles, Horta doit reprendre certains chantiers laissés inachevés par la guerre. Il termine donc le Musée des Beaux Arts de Tournai, l’Hôpital Brugmann à Jette, le Palais des Beaux Arts de Bruxelles.
La fin de sa vie est sombre, marquée par le décès de sa fille adorée Simone, en 1939 et par l’échec de son mariage. L’époque a changé. L’Art Nouveau est passé de mode et l’étoile du Baron a pâli. Il commence à rédiger ses mémoires sans jamais les finir.
En 1945, il brûle l’intégralité de ses archives personnelles.
En 1947, il décède dans la clinique de la rue de Linthout qu’il a construite à Bruxelles.
Musée Horta: l’Art Nouveau, qu’est-ce que c’est ?
L’Art Nouveau est un mouvement artistique apparu dans les années 1890 et qui s’est achevé à la Première Guerre Mondiale. Il est né en réaction aux styles académiques dominants de l’époque et correspond à un désir de créer un art nouveau, original, inspiré de la nature.
Ce courant a touché tous les domaines artistiques : architecture, peinture, sculpture, décoration intérieure, mode, arts graphiques, joaillerie.
Les principales caractéristiques de l’Art Nouveau
Des lignes sinueuses : Souvent appelées « coup de fouet », elles donnent aux œuvres un aspect organique immédiatement reconnaissable.
Des motifs inspirés par la nature : Les fleurs, les plantes, la faune mais aussi les figures féminines servent de muses aux artistes Arts Nouveau.
La complexité des ornementations : Contrairement aux styles rigides en vogue à l’époque, l’Art Nouveau préconise une décoration riche et complexe qui se fond avec la structure de l’objet ou du bâtiment. Beaucoup de détails ornementaux sont intégrés aux façades, fenêtres ou portes par exemple.
L’utilisation de matériaux novateurs : L’Art Nouveau a popularisé l’utilisation du verre, du fer forgé et de la céramique aussi bien dans les formes que dans les structures. Ce qui a permis aux architectes et designers de réaliser des productions plus libres et élaborées.
Quelques exemples et figures emblématiques
En architecture :
On retrouve des œuvres emblématiques de l’Art Nouveau dans des capitales comme Paris ou Bruxelles, conçues par Hector Guimard (connu pour ses stations de métro parisiennes) et Victor Horta, dont les hôtels particuliers sont devenus des icônes du style.
Pour les arts graphiques :
Le tchèque Alphonse Mucha est célèbre pour ses affiches détaillées aux motifs floraux encadrant des figures féminines à la longue chevelure flottante, devenues synonymes de l’Art Nouveau.
La joaillerie :
René Lalique , très inspiré par la nature, est connu pour ses pièces d’une grande finesse, fabriquées en verre, émail, corne, nacre et pierres précieuses ou semi-précieuses.
Influence et héritage
L’Art Nouveau a été de courte durée. Surnommé « Style nouille » par ses détracteurs, il est passé de mode après la Seconde Guerre Mondiale et s’est vu remplacer par mouvement Art Déco.
Malgré sa brève existence, il a profondément marqué l’histoire de l’art. Par sa modernité, il a ouvert la voie à une nouvelle approche artistique où formes et fonctions pouvaient se mêler de manière harmonieuse et poétique.
Ne pas confondre Art Nouveau et Art Déco
Aujourd’hui on confond souvent ces deux courants car ils se sont succédé dans une temporalité serrée. Pourtant, en y regardant bien, des différences notables les distinguent.
Leur esthétique, leurs influences, leur contexte d’émergence sont nettement différents.
Contexte historique
L’Art Nouveau naît en Europe , notamment en France, Belgique et Allemagne entre les années 1890 et 1910. Il émerge en réaction à l’industrialisation et vise à remier l’art et le quotidien.
L’Art Déco, quand à lui, a émergé dans les années 20 et atteint son apogée dans les années 1930, période marquée par les « Années folles ». Il s’est développé après la Première Guerre mondiale, une période où les gens recherchaient la modernité et le luxe, en contraste avec la sobriété des années de guerre.
Inspirations et influences
L’Art Nouveau emprunte aux formes des plantes, des fleurs, des animaux et utilise des lignes sinueuses et organiques. On y trouve souvent des touches d’art japonais et des éléments mythologiques.
Alors que l’Art Déco s’inspire de la modernité et des technologies de l’époque. Il reflète l’esthétique mécanique et incorpore des formes angulaires et géométriques, influencées par le cubisme et le futurisme. Les motifs égyptiens, africains et aztèques apparaissent aussi, en lien avec les découvertes archéologiques du moment.
Les matériaux
L’Art Nouveau fait appel à des matériaux naturels comme le bois, le verre et la céramique, avec une apétence particulière pour le travail artisanal. Les couleurs sont souvent douces (vert, jaune, bleu pâle).
L’Art Déco aime les matériaux luxueux et modernes comme le chrome, l’acier, l’ébène, l’ivoire et les miroirs. Les couleurs sont plus contrastées et éclatantes (noir, or, argent, rouge), ou métallisées.
Globalement l’Art Nouveau est romantique, fluide et inspiré par la nature.Tandis que l’Art Déco est moderne, angulaire et influencé par l’industrialisation et la géométrie. Ils représentent deux visions contrastées de l’art dans la vie quotidienne. L’une organique et artisanale, l’autre plus audacieuse et contemporaine.
Ma visite de la Maison Horta
Le bâtiment du Musée Horta
Le musée, classé au patrimoine de l’Unesco, est situé au 23-25 rue Américaine à Bruxelles.
Pour les informations pratiques, cliquez ici afin d’accéder au site du Musée Horta.
Deux bâtisses mitoyennes achetées en 1898 par le grand architecte ont été regroupées en une maison-atelier. Les deux immeubles communiquent ensemble, mais Horta a choisi de conserver leur individualité pour scinder la vie familiale et l’activité professionnelle. N’oublions pas qu’il y vivait avec sa femme et sa fille, tout en y travaillant accompagné d’une équipe de maitres artisans.
Au-delà de l’esthétisme, l’organisation intérieure est très intéressante d’un point de vue sociologique. À une époque où il était normal de disposer de personnel de maison, la tradition voulait que les domestiques dorment dans des chambres de bonnes sous les combles. Victor Horta a modifié cette répartition dans son habitation, en octroyant tout un pan latéral et le sous-sol à ses serviteurs. Le but étant d’éviter les croisements entre résidents et employés.
Vue de la rue, la façade du Musée Horta est étroite. Ses embellissement élaborés ne suffisent pas à attirer l’attention dans le quartier densément construit de Saint Gilles. Il faut prêter l’œil !
Dans le Musée Horta
La Maison Horta se mérite.
Pour commencer, inutile de vous présenter au guichet si vous n’avez pas réservé votre créneau horaire en ligne. Le Musée est petit et ne peut recevoir qu’un nombre limité de visiteurs, d’où l’indispensable régulation.
C’est totalement compréhensible, par contre le personnel du Musée fait trop de zèle à mon goût. Arrivés dix minutes en avance, nous n’avons pas eu l’autorisation de déposer nos sacs au vestiaire, ni même de rester dans le hall d’accueil. Il nous a fallu patienter derrière, dans un jardin certes charmant, mais minuscule et glacial en automne. Donc retenez bien qu’il faut arriver à l’heure pile.
Ensuite, aucune photo n’est autorisée à l’intérieur du Musée. Nous avons dû nous contenter de clichés de la façade extérieure. Quelle frustration de ne pouvoir garder aucun souvenir des somptueux détails ni de l’atmosphère fabuleuse de cette demeure incroyable.
Pour l’anecdote, la gestion de la circulation d’un étage à l’autre s’est avérée très chaotique. Par moments, de jeunes employés nous bloquaient le passage. Il fallait alors patienter, entassés sur un pallier d’escalier ou au seuil d’une porte. De temps en temps, un/une des gardiens lançait à son/sa collègue « C’est bon, tu peux envoyer », et alors quelques chanceux passaient la ligne…Sinon l’attente continuait, agrémentée des remarques à voix haute du personnel. (« T’as vu la mamie ? Elle va traverser le plancher avec sa bedaine ! », « Ils sont relou aujourd’hui, va falloir les calmer ! », etc.).
Bref, l’accueil laisse à désirer.
Mais l’endroit en lui-même est une merveille !
L’intérieur de la maison a été restauré à l’identique. Mosaïques, vitraux, ferronneries en arabesques remplissent l’espace de leur grâce ondulante. La luminosité douce et omniprésente caresse les meubles en acajou et les marbres précieux. La cage d’escalier en volutes est une merveille autant qu’un puits de lumière grâce à la verrière qui la surmonte.
Le premier bâtiment est consacré au travail de Victor Horta. On traverse entre autres son bureau, sa salle de dessin, l’atelier des prototypes. Dans l’autre aile, on découvre la salle de réception absolument magnifique, le salon de musique, les chambres des maîtres de maison. Puis on accède aux parties communes réservées au personnel.
Pleine de coins et de recoins, de beauté, de couleur et de sensualité, cette maison m’a marquée par son luxe harmonieux dont émane une puissance très féminine. Elle m’a donné envie de m’intéresser de plus près au mouvement Art Nouveau.
Comme mentionné plus haut, je n’ai pas pu prendre de photo de l’intérieur, mais vous en trouverez sur le site du Musée Horta. (Le lien est en début de l’article)
J’espère vous avoir donné envie de visiter le musée Horta
Si comme moi vous aimez l’art et êtes curieux d’architecture, oubliez la piètre qualité de l’accueil et foncez dans ce musée petit par la taille mais grand par la renommée et la splendeur. Vous en ressortirez complètement charmé.
Merci de m’avoir lue et à bientôt sur Walkaway.
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Crédit photos: archives personnelles pour les extérieurs du Musée Horta/ Pixabay pour les exemples Art Nouveau et Art Déco